DANIELLE WAECHTER
Dans sa nouvelle série, TISSAGES ET METISSAGES, Danielle Waechter nous raconte sa cartographie intime composée de la diversité de liens tissés entre passé, présent et futur qu'elle croise au gré de ses souvenirs, histoires et récits. A ces entrelacements se mêlent ses racines familiales doubles (française et germanique), le tout esquissant une trame de vie tendue sur châssis enrichie continuellement d'expériences professionnelles, d'échanges amicaux, de réseaux anonymes et de rencontres affectives.
"Un jour, je me suis souvenue de Roman Opalka, artiste tourmenté par le temps qui passe, et j'ai voulu faire cette expérience d'écrire une suite de nombres. Je me suis arrêtée à 2017, l'année de naissance de ma 3ème petite-fille. Ce fut une expérience intéressante et révélatrice." Expérience qui a conduit Danielle Waechter à s'inscrire dans son propre temps et participer à l'écriture de son passage de vie, dans cette pulsion où le passé prédispose du présent et d'en révéler toute l'intensité. Pour cette "difficile à enraciner" retirée du monde pendant 6 ans, emprunter son propre chemin en accord avec elle-même l' a amené immanquablement à s'interroger sur ses racines nourricières. Ce rendez-vous s'accompagna d'une prise de conscience de soi, du monde dans lequel elle évolue, des territoires qu'elle expérimente.
D'abord la nature, indispensable tant elle répond à un besoin d'équilibre intérieur, à mettre du sens à notre vie et que nous portons tous en nous. L'artiste la contemple comme un espace de liberté, vierge d'histoire, à inventer pour s'interpréter soi-même. Et puis ses racines qu'elle emporte avec elle pour mieux vagabonder et les offrir aux autres en partage. Un partage entre êtres humains si nécessaire pour sublimer la vie, lutter contre la stérilité des émotions ou encore accéder à une forme de pensée libre. Un partage qui permet d'ouvrir des portes sur des possibles inenvisageables et donne le courage de vivre.
Cette nouvelle série marque une rupture avec ses œuvres plus figuratives. Désormais l'artiste adopte un processus créatif volontairement répétitif pour délivrer la pensée et tendre vers plus de simplicité et de pureté. Un cadre, toujours carré, définissant un périmètre de bien-être dans lequel le mouvement naît sans entrave, instinctivement. L'artiste pénètre dans l'intimité du geste qui se libère allant à la rencontre de la couleur, de ses vibrations, mettant en dialogue ses silences intérieurs. Apparaissent alors des interstices de lumière, comme des palpitations de vie invitant à suivre quelques chemins de traverse. L'œil est spontanément attiré à emprunter ces pistes vers d'autres ailleurs comme des échappatoires incitant à une délicieuse désobéissance à ce monde normatif.
Danielle Waechter refuse un monde constitué d'individus "hors sol", sans ancrage, fragiles et ballottés en tous sens par la vie; elle croit à l'Etre libre portant en lui ses racines régénérantes, en accord avec lui-même et marchant dans sa propre vérité.
ISABELLE DIACRE, rédactrice artistique
Dans mon travail je tente d'explorer toute l'étendue de ma fascination pour les forces telluriques, souterraines, végétales et minérales, à travers la représentation picturale et graphique de toutes leurs nuances, et l'interprétation visuelle de leur potentiel symbolique.
Très jeune, enfant solitaire, j'ai pris l'habitude de créer des univers imaginaires, d'assembler des rebuts, des boites en cartons, feuilles, fleurs et autres objets glanés, pour composer des microcosmes secrets au fond du jardin familial, que venaient peupler et transformer escargots, coccinelles, oiseaux. Instinctivement j 'inventais une sorte de langue visuelle fantastique, aux vertus magiques, qui me permettait d'ouvrir un espace personnel pour dialoguer avec la nature.
Malgré les aléas de la vie, je n'ai jamais cessé de nourrir cette sensibilité accrue pour les territoires imaginaires, notamment en étudiant des mouvements tels que le Symbolisme, le Surréalisme et l'expressionnisme abstrait, qui faisaient écho à mes interrogations personnelles. Cependant, il m'a fallu patienter de nombreuses années avant de pouvoir consacrer enfin, tout mon temps et mon énergie à l'expression picturale de ces émotions intérieures.
Choisir le motif de la fleur comme point de départ à cette exploration introspective, m'a permis d'apprivoiser les mutations d'une vie florale en mouvement, de m'aventurer dans la mise en image d'une végétation foisonnante et multiple, aux antipodes d'une « nature morte » stérile, et de m'affranchir peu à peu d'une représentation mimétique pour tendre vers l'onirisme et la projection de sensations à travers le jeu des ombres et des lumières, les sinuosités de mon trait et les transparences des surfaces de couleurs. Le répertoire végétal s'est entremêlé peu à peu avec celui de l'esprit.
C'est lors de ma déterritorialisation géographique choisie, de ma rencontre avec la puissance des paysages auvergnats, et de mon immersion physique au cœur d'une nature sauvage et solitaire, que ma démarche picturale a pris un nouvel élan et pleine conscience de son véritable sujet. Plus qu'une résonance avec des préoccupations artistiques formelles, je cherche à libérer mon inconscient et poursuivre une quête plastique plus intime sur mes origines et mon rapport au monde.
Des paysages plus vastes sont apparus. L'horizon, animé parfois de quelques arbres , est déployé telle une échappatoire en quête d'une utopie, une hypothétique terre d'asile, projection d'un avenir libre et porteur d'humanité.
Mon travail se fait essentiellement à l'huile, à travers des couches de glacis plus ou moins transparents.
Continuant mes recherches sur les forces de la nature, l'expression devient plus abstraite afin de saisir , peut-être, plus intensément les transformations inhérentes à toute forme de vie.
DANIELLE WAECHTER